L’égrégore de la spiritualité
« Dès que
nous nous engageons dans une quelconque voie spirituelle,
nous nous
égarons inévitablement. »
Sommes-nous
réellement à la recherche de l’éveil, du pur, d’une terre promise ou
de dieu ? Ne sommes-nous pas simplement en quête d’un bonheur qui ne
serait plus conditionné par des événements extérieurs et qui
trouverait sa source dans le plaisir d’être heureux avec soi et pour
soi ? À partir de cet état soi, l’autre, la nature, les animaux, les
étoiles…deviennent un plaisir à vivre simplement car nous n’en
attendons plus rien.
dieu, amour et lumière.
Dans le jeu
des séparations nous avons créé dieu à partir de notre pensée. Ce
dieu est l’égrégore de la spiritualité d’où émergent toutes nos
croyances et à partir duquel nous avons inventé les notions amour et
lumière ainsi que la dualité pur-impur.
L’égrégore
de la spiritualité est phénoménal et se cache dans tous les
recoins de nos certitudes. Nous pouvons même croire qu’il est la
vérité et ainsi passer mille fois à coté de la vie sans s’en rendre
compte, car la croyance monopolise notre attention sur une vue
unique de la pensée.
L’égrégore de
la spiritualité a donné naissance à un monde parallèle
fantasmagorique dans lequel existent les notions amour et lumière
qui, en réalité, sont les piliers de toutes les religions et de la
spiritualité moderne.
Il existe
principalement trois dieux qui forment les piliers d’un
système unique : celui que nous prions, celui pour lequel nous
votons et celui pour lequel nous trimons. Ici, nous nous attacherons
à celui qui a, dans l’imaginaire, créé le monde. La spiritualité
moderne n’a rien inventé. En effet, nous retrouvons dans les
prophéties new-age la dualité pur-impur prônée par toutes les
religions (christianisme, bouddhisme, judaïsme, islamisme…).
Pour
comprendre la dualité pur-impur, à la base de toute ascension
spirituelle, les premières phrases de la genèse sont explicites :
« La terre était informe et vide : il y avait
des ténèbres à la surface de l'abîme, et l'esprit de Dieu se mouvait
au-dessus des eaux » … « Dieu dit : Que la lumière soit ! Et la
lumière fut. » … « Dieu vit que la lumière était bonne ; et Dieu
sépara la lumière d'avec les ténèbres ».
Ainsi, les religions ont engendré la séparation et ont de ce fait
toujours favorisé les conflits.
Même si les
autres religions ou le monde de la spiritualité ne parlent pas de la
genèse, leurs postulats fondateurs gardent tous le même principe
conducteur de séparation.
A partir de
la scission entre la lumière et l’ombre nous nous sommes
séparés. Nous serions censés apporter la lumière dans notre part
d’ombre. Cette dernière abrite nos peurs pourtant essentielles dans
le processus de reconnaissance de ce que nous vivons. Nous
souhaitons néanmoins nous en débarrasser au plus vite en les
camouflant derrière l’illusion de la lumière et de l’amour
inconditionnel.
Nous avons
choisi de vivre le phantasme de l’amour divin en étouffant
les peurs et les frustrations créatrices de notre réalité. Une
phrase attribuée à sainte Thérèse explique bien la notion d’amour
divin ou inconditionnel : ''Ma
vocation, c'est d'aimer, car aimer, c'est tout donner
et se donner soi-même''.
Quel que soit
le qualificatif attribué à l’amour (émotionnel/divin,
conditionnel/inconditionnel), il n’est toujours qu’une polarité de
la dualité amour/non-amour. Nous ne pouvons sortir d’une dualité
qu’après avoir compris le lien qui unit ses deux pôles, car tant que
nous nous focalisons sur l’amour, nous empêchons le non-amour et les
émotions qui en découlent de s’exprimer et d'être reconnus. Ainsi,
la nécessite de vivre et d'exprimer l'amour divin ou humain est
toujours le signe d’un confit.
L’énergie, autrement dit la rayonnance, est le vecteur
de l’amour et de la lumière dans les thérapies comme dans la
relation divin/humain. Pour comprendre d’où émane l’idée de cette
énergie qui rayonne d’un cœur pur, la représentation du sacré cœur
de Jésus est révélatrice. Ce dernier, représenté avec le cœur
auréolé d’une couronne d’épines et supportant en son sommet un
crucifix entouré d’une flamme, rayonne sa lumière sur l’humanité.
Cette
symbolique se retrouve dans la croyance en l’abnégation des maîtres
et des êtres de lumière envers l’humanité ignorante. La palme de la
rayonnance est octroyée aux maîtres vivants. Il suffit d’être en
leur présence pour ressentir amour et compassion. En réalité, le
maître n’est qu’un lien entre l’égrégore de la spiritualité et le
monde, entre le divin et le profane, entre le ciel et la terre,
entre nos attentes de merveilleux et une réalité que n'aimons pas.
Si nous ne
sommes ni amour ni lumière, nous ne rayonnons pas, nous ne vibrons
pas. Ce qui peut vibrer c’est la croyance, autrement dit, la
fréquence imaginaire que nous attribuons à l’amour ou à la lumière.
De surcroit,
bon nombre de thérapeutes utilisent les énergies pour guérir,
ouvrir les cœurs et les chakras, mener à l’ascension, ôter des
implants, éveiller les consciences, donner accès à d’autres
dimensions, activer le corps de lumière… et j’en passe, tant est
vaste le monde qui se nourrit de l’égrégore de la spiritualité. Il
n’est néanmoins pas impossible de ressentir les effets de ce travail
thérapeutique. En effet, notre croyance individuelle et collective
en l’amour et la lumière appelle l’amour et la lumière mais,
malheureusement, n’entraîne aucune transformation durable sinon
celle d’alimenter nos illusions.
L’idée que
certains lieux portent des énergies positives ou négatives
est courante. Il est souvent recommandé de nettoyer ces lieux ou de
s’y recharger en énergie. Ces lieux font partie de notre imaginaire.
Néanmoins ils peuvent nous attirer en fonction de nos attentes et de
nos croyances.
Il est aussi
question de plan astral, de plan divin, de multiples dimensions
qui sous-entendent que le niveau vibratoire d'une dimension est
moins élevé que celui de la précédente. Ces espaces sont issus de la
pensée séparatrice qui qualifie notre réalité d'impure au regard de
la pureté d'espaces imaginaires divins. Le concept de dimensions
sert principalement un autre concept important de la spiritualité
qu’est l’ascension. Cette dernière n’est envisageable que si nous
inventons des espaces vibratoires différents entre lesquels nous
évoluerions.
Et que dire de ceux qui aspirent à retrouver leur corps de
lumière. Avec la spiritualité nous nous fractionnons en cœur,
corps, esprit, mental, petit et grand moi… Toutes ces instances
connaissent une forme d’absolu, comme le corps physique se
transformant en corps de lumière. Mais que nous apportent tous ces
espaces fragmentés si ce n’est une séparation de plus qui nous
empêche de vivre. Comment est-il possible de vivre libre en séparant
les choses entre elles, les humains entre eux, ce que nous sommes en
parties plus ou moins acceptables ?
Pourquoi croyons-nous que dieu, les maîtres ascensionnés, les êtres de lumière, la vie ou l’univers viennent d'ailleurs ? Pourquoi posons-nous les maîtres vivants sur des trônes ? Pourquoi accordons-nous encore de l’importance aux rituels, aux reliques, aux effigies, aux idoles, aux totems… ?
« Chercher ou
trouver dieu à l’extérieur ou à l’intérieur revient à rencontrer une
illusion. »
Ce n’est pas
anodin si nous plaçons le plan divin au-dessus de l’humain, car
l’instauration d’une hiérarchie est le premier pas vers la
soumission du plus grand nombre.
Il est aisé
de comprendre pourquoi nous attendons un changement individuel et
collectif qui viendrait d’en haut. Lorsque nous demandons de l’aide
à la vie, aux anges, à dieu, à l’univers… ou que nous faisons
simplement vœux de confiance, n’avons-nous pas le reflex de lever
les yeux et les bras vers le ciel ? Lorsque nous prions dieu ou
courbons l’échine en présence d’un maître ne baissons-nous pas la
tête par peur (punition divine, mauvais karma,…) ou par sentiment
d’infériorité plutôt que par respect ?
Aucun être
conscient, que ce soit Jésus ou Bouddha, s’ils n'ont jamais existés,
n’a demandé la pérennisation de son enseignement sous la forme de
temples, d’églises, de statues, de croix, de livres sacrés ou de
multiples représentations. Il ne pouvait qu'avoir compris que ces
effigies occulteraient, par la dévotion, l’intelligence qui nous
libère de nos souffrances. Mais d’importants enjeux financiers et la
volonté de maintenir la dépendance des adeptes ont créé de toute
pièce l’imagerie religieuse et spirituelle.
A l’instar
des religions, la spiritualité moderne (new-age) puise ses croyances
dans l’égrégore de la spiritualité au travers de canalisations de
toutes sortes. Ces messages trouvent leur origine dans le mental
puissant et imaginatif de leurs auteurs. Les channel se connectent
en réalité à leur propre conflit et espérances. Ils imaginent un
être extérieur et supérieur qui communiquerait à travers eux. Ces
êtres canalisés sont simplement une projection. Mais il est souvent
plus facile de se laisser bercer par des pseudos vérités célestes
que d’entamer une révolution intérieure qui demande une profonde
réflexion.
Parfois
différentes personnes canalisent un même être, ce qui n’empêche pas
des contradictions notoires dans le contenu des messages. Il est
utile de se demander, individuellement, pourquoi nous ressentons la
nécessité de se connecter à un être extérieur et pourquoi nous
éprouvons le besoin d’endosser le statut de travailleur de lumière,
de guerrier de la paix ou d’être divin ?
Pour quelles
raisons alimentons-nous encore cet égrégore ? Tant qu’une croyance
nous entraine vers l’extérieur ou l’intérieur, elle met l’accent sur
une séparation dont il faudra sortir tôt ou tard. Tant que nous
croyons en un dieu créateur ou à diverses entités bienfaisantes,
nous nous dépossédons de notre capacité de réfléchir et d’agir par
nous-mêmes.
La nécessité de créer du merveilleux à l’extérieur ou la peur de se vivre tel quel.
Pourquoi
créer un égrégore de spiritualité et vivre dans une gigantesque
illusion plutôt que de se vivre tel quel ? Autrement dit, pourquoi
prendre un détour en donnant de la réalité à dieu, aux dimensions, à
l’amour, à la lumière plutôt qu’à ce que nous vivons? La croyance en
dieu viendrait-elle simplement occulter la peur de soi, la peur de
sortir du merveilleux extérieur pour vivre ce qu’il se passe
réellement en soi ? Quelle détresse fuyons-nous dans l’amour et le
regroupement spirituel ? Que restera-t-il de nous si nous ne faisons
plus tant d’efforts pour maintenir une croyance forte en l’existence
d'êtres ascensionnés ou de maîtres de tradition ancestrale ?
Nous avons
souvent tendance à nous accrocher à la polarité dite positive, par
exemple la joie, en reniant son aspect dit négatif, la tristesse.
Mais ce n’est pas en camouflant un sentiment de tristesse généré par
une peur derrière une attitude de joie forcée que nous pouvons
rencontrer notre souffrance. La spiritualité avec ses rituels, ses
maîtres, ses thérapeutes, ses vérités célestes, ses énergies de
transformation, n’engendre aucun changement. Elle n'est que parade
et poudre aux yeux. Nos émotions, abstraction faite de la notion de
positif ou de négatif, fondent notre réalité. Il est donc
indispensable de les vivre, pour en comprendre le fonctionnement,
c'est-à-dire de reconnaître le processus de pensées qui les anime.
Nous refusons
de lâcher l’égrégore de la spiritualité par crainte de rencontrer un
état qui repose sur la peur, donc considéré comme mauvais, état que
la spiritualité nous propose allégrement de fuir.
Ce n’est donc
pas ce vide intérieur théoriquo-spirituel que nous avons peur de
rencontrer mais bien notre souffrance, nos peurs, notre solitude,
notre pauvreté... Ce vide ou éveil, que les maîtres et leurs adeptes
rencontrent après de nombreuses années de pratiques méditatives
intensives, n'est en réalité qu'un état créé de toute pièce par la
pensée elle-même stimulée par le conditionnement.
Tant que nous
continuons à alimenter la spiritualité, nous passons à coté de la
vie. La spiritualité est faite de concepts qui monopolisent notre
attention sur autre chose que ce que ce que nous vivons.
Si la
spiritualité nous offre du merveilleux, il est difficile d’en
sortir. Mais cette difficulté n’est rien en regard de l’évidence qui
nous fera réaliser que nous sommes passés à coté de la vie, tout
simplement parce que nous avons constamment fuit dans un imaginaire
appelé spiritualité.
Octobre 2008